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1996. Dakar. Je rencontre la sculpture pour la première fois. Nous sommes dans la maison-atelier encore en construction, du sculpteur sénégalais Ousmane Sow. Sa cour se peuple d’imposantes figures de cow-boys, d’indiens, de chevaux renversés, de scènes de lutte… les premiers éléments de sa grande série de la bataille de Little Big Horn. Là, dans ce carré de terre encadré de hauts murs en ciment, je retrouve les liens étranges qui tissent l’histoire familiale. La mystérieuse enfance sénégalaise de ma mère et les récits imaginaires de mon père ; ceux qui tentent de combler les absences – habités d’ancêtres amérindiens, d’aventuriers et de batailles…

 

Ce jour là, un autre sculpteur sénégalais, Ndary Lo est venus lui rendre visite.

Depuis, Ndary accompagne et appuiera ma pratique de la sculpture ; de l’apatam du jardin de la maison familiale de banlieue, devenu atelier partagé, jusqu’à la porte de l’immense atelier de Rufisque toujours ouverte.

Je me nourri et je partage ses obsessions pour le contexte dans lequel s’inscrit la sculpture – que Ndary développera avec son concept de Daptaïsme – du verbe s’adapter : créer avec ce que l’on trouve dans son environnement, dans une démarche de respect et de tolérance vis à vis des autres cultures, de l’autre.

 

J’envisage alors la question de l’espace comme une question de mémoire. De l’histoire des objets qui nous entourent, des architectures, jusqu’à leurs usages et leur emprise sur notre conception des lieux.

La sculpture devra pour moi engager de front ces deux aspects ; d’abord dans les matériaux qu’elle utilise pour se construire, essentiellement des rebus, fragments de mobiliers abandonnés, éléments hors d’usage, ce qui traine dans les greniers, les caves et les granges des maisons… autant que dans la forme qu’elle prend pour occuper un lieu – produire un nouvel espace, un endroit où l’on entre, un usage sans fonction ; on allume un feu, on observe une image, le portrait d’un autre, d’une personne oubliée, d’un bâtiment abandonné, transformé, étiré dans le temps et l’espace…

Alors, une ancienne collection de portes de granges devient une chapelle païenne guyanaise, l’armoire normande de ma grand mère une possibilité d’habitation, de rituels, d’auto-confessions… La photographie fixé-sur-verre bascule l’iconographie dans l’objet ; de la ville dans l’espace ; une fenêtre pour récupérer, interroger cette mémoire collective latente et banalisée qui alimente pourtant nos rituels du quotidien ; de la chaleur de nos cuisinières à la lumière des lampadaires sur la couleur des façades de nos maisons…

 

Envisager la sculpture comme une manière d’occuper un espace qui préexiste sans jamais le nier.

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